Cela faisait deux petites semaines que les clubs avaient officiellement ouvert, et que Pamona avait rejoint celui de couture. Quelques autres élèves y participaient également, mais dans une moindre mesure que le jeune serpentard. En effet, bien que la réunion hebdomadaire se déroulait, assez aléatoirement, dans une salle désaffectée du château (bien qu'ils aleternaient surtout entre le quatrième étage et le rez-de-chaussée) les dimanches midi, il était possible d'y accéder en semaine, dans une des salles du rez-de-chaussée. Et Pamona était toujours là, toujours présent, avec parfois quelques modèles et essais de coutures de sa composition, et plus souvent encore le désir de s'essayer à de nouvelles compositions. D'apprendre d'autres travaux pratiques que la couture conventionnelle. Mais le club était peut-être encore trop « jeune » pour cela, et pas assez diversifié...

Quoi qu'il en soit, ce dimanche midi, une fois encore, Pamona était présent, et écoutait presque religieusement l'une de ses aînées présenter les projets qu'elle souhaiterait mettre en œuvre pour le club. Notamment un partenariat avec le club de théâtre, pour les costumes, ou encore créer une espèce de petit catalogue, dans le futur, lorsque le club serait capable de proposer diverses créations, ensorcelées ou non. Mais pour cela, ils avaient le temps. Il fallait déjà montrer et enseigner les bases aux débutants, apprendre quelle aiguille était plus adaptée pour tel ou tel tissu, les différents points, et même l'emploi de machine à coudre mécanique – la technologie moderne étant toujours inefficace à Poudlard. Sans oublier les divers tissus à employer, lesquels étaient les plus adaptés pour tels ou tels travaux... Oui, la couture n'était pas juste un petit passe-temps inintéressant, et d'une supposée facilité déconcertante. Et il y avait tellement de chose qui pouvaient être fabriquées par ce biais ! C'était... gratifiant de parvenir, par soi-même, à créer quelque chose qui pouvait être utilisé de manière quotidienne. Ou juste de créer quelque chose.

Pendant qu'elle achevait son court monologue et s'engageait dans un bref débat avec le troisième membre présent du club, Pamona entendit quelqu'un frapper à la porte. Jugeant que ses deux deux camarades étaient trop occupés à discuter, il se leva et alla ouvrir la porte.

Tout ça pour se retrouver face à un géant.

Pamona dut se faire violence pour ne pas brusquement fermer la porte et se cacher sous une table. Non parce que bon, le type qui lui faisait face, il était vraiiiiment imposant. Et impressionnant. Et Pamona étant un froussard de première catégorie... Cela étant, et ce fut ce qui lui permis  de ne pas agir de la sorte, claquer brusquement la porte au nez d'une personne n'était pas poli. Pamona manqua tout de même de paniquer quand le géant se penchait légèrement vers lui.

« … Mmh … Salut … C'est ici le club de couture ? »

Le blondinet ouvrit la bouche, complètement stupéfait légèrement surpris qu'un gaillard pareil s'intéresse à leur club. Peut-être s'intéressait-il à la couture ? Ou bien, il cherchait l'un des membres, pour une raison ou une autre. Mais bref.

« E-euh o-oui, c-c-c'est ici. T-tu... Euh... V-vous voulez r-rentrer ? » fini-t-il par dire à mi-voix, tout en se décalant du pas de la porte.

Pamona, particulièrement impressionné par le gaillard ? Naaah. Où allez-vous chercher ça ? Ahahah.

Après quelques secondes de silence déconcertant, le géant se massa la nuque d’un air gêné, pénétra dans la salle après avoir remercié Pamona. Ce dernier ne put détacher son regard du grand gaillard qui sembla s’arrêter à quelques mètres de la porte. Pamona ne pouvait voir son visage, cependant il le vit une nouvelle fois se masser la nuque. Etait-il… Embarrassé, pour une quelconque raison ? Le petit serpentard ne pouvait le savoir, ni le deviner. Aussi, alors qu’il refermait la porte de la salle et se rapprochait de la table où se trouvaient les demoiselles, il ne quitta pas des yeux le nouveau venu. Puisque le Grand ne le surpomblait plus, Pamona en était un peu moins impressionné… Mais toujours aussi intrigué.

« … Euh … Tu t'es perdu … Euh … commença l’Aînée.

- Gidéon Wilkes. Non … Justement … Je mmh … Cherchai votre club vagabond … Je sais … broder … mais j'aimerais bien apprendre la couture. Enfin … M'améliorer … répondit le Géant.

- T'as des choses à montrer ? » rétorqua la sixième année, peut-être un peu trop brusquement aux yeux de Pamona. Pamona qui sermonna mentalement son aînée pour ne pas avoir eu la décence de se présenter au nouveau, avant de l’aborder de la sorte. Mais de là à lui dire ouvertement, eh, faut pas déc… exagérer.

Gidéon acquiesça sans un mot, et se mit à sortir divers modèles sur la table. Le petit blond se rapprocha un peu plus, et lorsqu’il vit plus clairement les motifs, il se jeta presque sur la table. Il ne prit pas gare à ce que faisait les deux autres membres du club, ni même à la réaction du Géant. A la place, il se saisit d’un modèle qu’il manipula avec précaution, de peur de l’abîmer d’une manière ou d’une autre. Le modèle en question, de petite taille, représentait plusieurs cervidés aux abords d’une forêt, avec une rivière non-loin. Ou bien était-ce le ciel ? Pamona admira la qualité de l’ouvrage, caressant du bout des doigts le tissu. Aucun des membres, jusqu’à lors, n’avait présenté des compositions de broderie aussi réussies. Tout du moins, aux yeux du petit serpentard. Celui-ci ne put d’ailleurs contenir un « woah », bien que prononcé sur un ton proche du murmure. Il reposa le modèle, et se saisit ensuite d’un des modèles « bouquets de fleur ». Soudainement encore plus enthousiaste qu’avant, et le modèle encore dans les mains, Pamona se retourna vers Gidéon.

Enfin, vers là où Gidéon était supposé se trouver.

« … Bah… Bah il est où ? » parvint à articuler le petit blond à l’attention de ses comparses.

Comparses qui levèrent un instant les yeux des travaux, regardèrent le blondinet avec surprise, puis regardèrent un point derrière lui. L’Aînée lui fit signe de se retourner. Ce qu’il fit, bien évidemment. C’est ainsi qu’il constata que le Géant s’était adossé au mur et semblait… Un peu plus petit. En même temps, avachit comme il l’était, l’inverse aurait été surprenant. Pamona se ressaisit et, malgré sa légère timidité, il s’approcha de Gidéon.

« E-euh, Gidéon, c-c’est ça ? Enchanté. J-je suis Pamona. Pamona Falk, en troisième année chez les serpentards. » commença-t-il, en espérant attirer l’attention de son interlocuteur malgré sa petite taille et sa petite voix. Il regarda une petite seconde le modèle qu’il avait dans les mains, et releva soudain la tête, tout sourire et prit d’une assurance nouvelle. « T-tes modèles… Ils sont SUPER BIEN. Je te jure ! On a personne dans le club qui sait aussi bien broder ! Enfin, je c-crois ? »

Il s’interrompit un instant pour demander confirmation du regard aux deux autres. Mais ce ne fut pas très concluant : l’une restait interdite, l’autre regardait encore les modèles. Pamona haussa un sourcil, puis se refocalisa sur Gidéon.

« E-enfin, bref. Personnellement, j-je sais juste un peu c-coudre… Assez pour faire quelques peluches, comme celle-là, sur la chaise ! Mais j’y c-connais rien en broderie. Tu… Tu voudrais i-intégrer le club ? C-c’est un peu égoïste, m-mais j’aimerais bien que tu m’apprennes à b-broder aussi bien que t-toi ! … E-euh, que vous, pardon. »

Sous le coup de l’excitation, il en avait oublié de vouvoyer le nouveau venu. Entre élève, c’était assez rare, mais c’était un aîné, visiblement. Il était peut-être même en septième année, vu sa taille ! Un adulte. Et les adultes, on les vouvoie pour la plupart. Autre chose qu’il avait oublié : demander ou attendre l’avis de la vice-présidente (la présidente étant absente), et accessoirement élève de cinquième année précédemment plongée dans les modèles, quant à l’enrôlement d’un potentiel nouveau membre. Mais après tout, tous étaient libres de rejoindre le club.

Pamona offrit un sourire timide à Gidéon, espérant que ce dernier accepte l’invitation.

Gidéon sourit en retour au petit blond. Et, alors qu’il dégageait quelques mèches qui recouvraient son visage, le serpentard se surprit à soupirer de soulagement.

« Enchanté Pamona. Je suis Gidéon, élève en quatrième année à Poufsouffle. Je … Je n’ai jamais appris à quelqu’un à broder mais si je suis accepté je le ferais avec plaisir. »  déclara le poufsouffle.

Pamona sourit de plus belle au gaillard, n’osant lui tendre la main pour la serrer. Non pas parce qu’il craignait qu’il ne lui brise les doigts, mais tout simplement parce que ce n’était pas dans ses habitudes de serrer la main des autres lors des présentations. Quoi qu’il en soit, la vice-présidente prit pour la première fois la parole, attirant ainsi l’attention des jeunes hommes.

« Gidéon, c’est vraiment toi qui a brodé ça ? » demanda-t-elle, surprise… voire peut-être impressionnée ? Pamona ne savait pas trop.

Pour sa part, il ne lui était pas venu à l’esprit que quelqu’un d’autre que Gidéon ait créé ces modèles. Après tout, il avait clairement annoncé savoir brodé, et… enfin, compte tenu qu’il voulait apprendre d’autres méthodes de couture, c’était logique d’amener des exemples de ce qu’il savait faire. Les membres sachant créer, et non juste raccommoder ou n’étant pas débutants en la matière, en avaient fait de même dès la réunion d’ouverture du club ! Mais réflexion faite, Pamona supposa que Mélina avait ses raisons… Ou bien était juste trop surprise par les modèles, surtout celui avec les cervidés, pour faire attention à la grossièreté de sa question.

« Oui, c’est … vraiment moi. Malgré mes doigts gros comme des saucissons, répondit le concerné.

-  Tu as déjà brodé sur des vêtements ?

- Oui. Les manches des robes de ma sœur et celles de ses amies. Quelques t-shirt aussi.

- Et tu as fait quoi comme pièce en couture ?

- Pas grand-chose … Du raccommodage surtout. »

A ces mots, les deux jeunes femmes s’éloignèrent de quelques pas, pour discuter. Pamona haussa un sourcil, sans trop comprendre ce comportement. Doutaient-elles encore des propos de Gidéon ? Ou peut-être qu’elles ne voulaient pas risquer d’autoriser l’inscription d’un nouveau venu sans l’aval de la présidente ? Mais Mélina était la vice-présidente, et de fait était tout-à-fait apte à … autoriser l’inscription ? En plus, il n’y avait pas de date limite pour s’inscrire, aux dernières nouvelles. S’il le voulait, un élève pouvait même s’inscrire en fin d’année scolaire ! Moui, c’était un brin bizarre, ce comportement. Quoi que. Il ne pouvait pas vraiment juger, il ne connaissait pas les jeunes femmes en dehors du club... Et c’était également la première fois qu’il avait intégré un club, donc forcément… Peut-être était-ce normal, en fin de compte ?

Pamona se retourna vers Gidéon, et manqua de sursauter quand il constata que ce dernier le fixait. Il était surpris, lui aussi. Au regard perplexe du nouveau, Pamona répondit par un discret haussement d’épaules. Des bruits de pas attirèrent à nouveau l’attention du blondinet sur ses aînées. Mélina était en train de reposer le modèle qu’elle avait en main, tandis que Jessica se dirigeait vers Gidéon. Elle lui tendit la main, souriant poliment.

« Bienvenu dans le club de couture vagabond. On te fera passer les emplacements des prochains lieux de rendez-vous. Je suis Jessica, et voici Mélina.

- Enchanté. » répondit le poufsouffle. Un petit silence flotta un instant, pendant lequel il en profita pour commencer à ranger ses modèles. « Euh … Il y a des projets pour cette année pour le club ? »

Pamona se rendit compte qu’il avait toujours un des modèles en mains, aussi il se hâta de le rendre à son juste propriétaire. Mélina, pour sa part, s’assit à moitié sur la table – désormais presque vide. Elle rit quelques secondes, puis sourit poliment à Gidéon.

« Oui. On en a quelques-uns, donc certains prioritaires. Par exemple, trouver une salle définitive pour servir de local. On nous promène un peu partout, mais c’est parce que nous n’avons pas un grand nombre de membres, et du coup, nous ne sommes pas vraiment prioritaires niveau des salles, » commença-t-elle en riant un peu. «Mais bon, la présidente, Marleen, s’en chargera ! Ou sinon je vais encore devoir m’occuper du côté administratif. Ah, accessoirement, je suis la vice-présidente. Bref. Ensuite, nous comptons organiser des cessions pour enseigner les bases de la couture, du tricot et du crochet, et du coup de la broderie, aux débutants. Ou ceux qui veulent se perfectionner. On pourra fournir un ou deux kits de matériel, mais je pense que pour les prochaines cessions, on demandera soit que les participants amènent leur matériel, soit qu’ils donnent quelques mornilles, ou une monnaie moldue, au trésorier. On pourra peut-être acheter quelques autres kits, et du tissu. »

Pour permettre à Mélina de reprendre son souffle, mais aussi parce qu’elle aimait un brin entendre sa voix, Jessica prit la suite de la vice-présidente.

« On compte aussi faire un partenariat avec d’autres clubs. Surtout celui de théâtre, et pourquoi pas les équipes de Quidditch. Oh et ouvrir une espèce de service « raccommodage » en dehors des cours, en cas d’accident d’uniformes et tout. Et l’idéal, ça serait que d’ici Avril ou Mai, on puisse proposer des créations originales, dans un catalogue ou quelque chose du genre. D’une part pour potentiellement récupérer un pet de financement, mais aussi pour faire connaître davantage le club, tout ça tout ça quoi.

- Tout-à-fait. Après, pour les autres projets, ou potentiels projets, on verra en temps et en heure. D’ailleurs, si tu as des idées, n’hésite pas à en faire part. »

Pamona ne prit pas une fois la parole. Notamment parce qu’il n’avait rien à dire, et rien à rajouter. Aussi, durant le « dialogue », ou « exposé » - il ne savait pas trop comment décrire ça – il avait récupéré sa peluche et s’était installé sur la chaise où elle se trouvait quelques secondes auparavant. Ecoutant religieusement, il se contenta d’acquiescer de temps en temps, jusqu’à ce que Mélina achève sa dernière intervention en date. Après quoi, il porta son regard sur Gidéon, curieux d’entendre ce qu’il avait à dire. Aurait-il un avis particulier sur les projets ? Voire une idée de projet ? Ou même des suggestions pour le club ?

Gidéon écouta avec attention les propos de leurs aînées, alors qu’il finissait de ranger ses divers modèles. Alors que les deux jeunes femmes achevaient leurs explications, il se mit à chercher quelque chose dans son sac. Cela fait, il s’installa à genou devant une table, un carnet ouvert face à lui et sa trousse posée à côté du carnet, et se mit à dessiner… Des choses. De là où il était, Pamona ne pouvait voir les croquis du géant. Notamment parce que la carrure de ce dernier l’en empêchait, et parce que les deux jeunes femmes s’étaient approchées, se postant de part et d’autre du géant. Bon, certes, elles ne le collaient pas. Elles s’étaient cependant assez rapprochées de lui pour que Pamona ne puisse en faire de même sans juger qu’il risquait de gêner quelqu’un au passage. Quoi qu’il en soit, quelques instants plus tard, Gidéon releva le nez de ses croquis.

« Pour le théâtre je crois qu'il va falloir attendre qu'on nous dise la pièce non ? Pour le catalogue … J'avais … Une idée. Certains d'entre nous, les élèves, ont des petits frères ou des petites sœurs qui ne sont pas à l'école. Ils pourraient vouloir leur envoyer des petits cadeaux. Peut-être comme tes peluches Pamona. Je suis sûr que cela plairait beaucoup. On pourrait peut-être faire quelques t shirt selon la maison de celui qui commande ou des motifs reprenant Poudlard. Ou la magie. Pour les équipes de Quidditch on pourrait peut-être faire les banderoles ? Enfin … Quelque chose dans ce goût là non ? »

Les trois autres membres du club étudièrent les divers croquis. Pour sa part, Pamona était plutôt pour, et trouvait les dessins aussi originaux qu’intéressants. Les aînées étaient assez pour, elles aussi. Et elles félicitèrent, tout du moins remercièrent le nouveau venu. Mélina jugea bon de préciser qu’ils savaient qu’il leur faudrait attendre le choix de la pièce avant de travailler sur les costumes du club de théâtre, mais que rien ne les empêchait de les contacter et prévoir le partenariat. Tout de moins le proposer. Jessica dans toute sa délicatesse, eh. Mélina sortit un carnet de ses affaires, celui lui servant de mémo et boîte à idée. Elle y nota plusieurs choses, puis le referma et sourit au poufsouffle.

« Je me répète, je sais, mais bref. Tes idées sont vraiment bonnes. Cela dit, il faudra qu’on les présente à la présidente, et au reste du club, pour les voter et tout. Et pour les motifs pour les T-shirt… Là aussi, bien que les idées soient, à mon avis, bonnes, autant que les autres aient leur mot à dire. On pensait déjà en mettre dans le catalogue. Des T-shirts, je veux dire. Enfin bref. Pour aujourd’hui, ça va pas être trop possible de passer au vote, et tout. Du coup, je te propose de venir dimanche prochain, avec d’autres croquis si tu veux. Je vais tenter de contacter les autres membres, et on verra tout ça ensemble. D’accord ? »

Discrètement, hors du champ de vision des deux jeunes femmes, Pamona adressa un petit thumbs up à Gidéon.

Ce dernier, après avoir acquiescé aux derniers mots de la vice-présidente, décala le carnet pour que le petit blondinet parvienne à voir les croquis sous un meilleur angle. Aussi, Pamona ne se fit pas prier. Il se pencha sur les dessins les plus récents, représentant divers motifs : deux baguettes se lançant des sorts, les blasons de Pouldard et des maisons… D’ailleurs, certains paraissaient un peu étranges. Il fallut au jeune serpentard quelques instants avant de comprendre ce qui l’intriguait : les blasons n’étaient pas tout à fait les mêmes que les originaux. Cela lui décrocha un sourire. L’idée était plutôt bonne. Enfin, il supposait. Après, de là a savoir si cela allait faire l’unanimité lors de la prochaine réunion, ou encore plaire aux autres élèves une fois le catalogue de prêt… Pamona n’en était pas certain. Après tout, ces croquis étaient particuliers. Créatifs, mais peut-être un peu trop particuliers ? Le blondinet n’était pas sur que la majorité des élèves prennent avec humour le fait de mêler les blasons… Nocta, par exemple, ou les autres élèves excessivement fiers de leur maison. Cela reviendrait potentiellement à toucher à la corde sensible…

Ou peut-être pas.

Uh.

Le serpentard prit la décision de regarder les autres dessins du carnet, à la fois par curiosité et pour s’éviter un mal de crane époustouflant à force de trop réfléchir. Il y trouva les croquis des modèles que Gidéon leur avait montré tantôt, et put ainsi apprécier plus encore le travail de ce dernier : ainsi, il n’avait pas pu mettre absolument tous les détails qu’il voulait sur les modèles… Cela étant, sur un espace plus grand, peut-être ces motifs pourraient-ils apparaitre ? C’était même très probable. Cela dit, Gidéon désirait-il broder sur des surfaces plus grandes ? Hm. Il tourna encore la page, et continua, curieux, cette petite observation. Le poufsouffle dessinait bien.

Pamona se surprit à jalouser le colosse sur ce point.

Après tout, le blondinet ne savait pas dessiner. Enfin, pas bien. Ce qui n’était pas vraiment pratique, compte tenu qu’il aurait bien besoin de cette compétence pour créer des modèles de peluches, vêtements et autres. Il ne pouvait se contenter d’utiliser les modèles des autres. Lui aussi voulait créer, faire des choses originales ! Et pendant ce temps, ce colosse, ce nouveau, s’avérait être plus créatif et plus doué que lui. C’était normal. Cela fait partie des choses qui arrivent. Mais c’était vexant, tout du moins pour le p’tit blond.

Qui du coup, se mit à bouder intérieurement. Enfin, à râler intérieurement. Extérieurement, il gonfla ses joues et fronça les sourcils. Il ne pouvait pas nier que Gidéon était doué. Il ne pouvait pas non plus se permettre de râler ouvertement, non seulement cela aurait été particulièrement impoli, mais aussi excessif. Déjà qu’être jaloux comme il l’était était particulièrement excessif, mais alors en plus, le montrer… Non merci. Une voix, assez grave, sortit le blondinet à la fois du calepin mais aussi de ses pensées.

« Dis, comment tu as commencé à coudre toi ? Tu … Tu veux que je te montre des points simples en broderie ? »

Pamona regarda le colosse, qui s’était assis à ses côtés sans qu’il ne s’en rende compte. Il posa le calepin, et réfléchit quelques instants.

« … Hm. M-ma grand-mère maternelle a vu une fois que je m’intéressais à s-ses travaux de c-couture, surtout qu’elle faisait une peluche pour ma sœur. Du coup, elle a décidé d-de m’apprendre, et elle m’a du coup offert mon p-premier kit de couture, et une mini-machine à coudre. J’ai pas encore appris à l’utiliser d’ailleurs. J-je préfère d’abord bien apprendre à coudre à la main. Du coup voilà… Ça doit faire trois ans que je couds un peu, je crois ? … Je sais pas faire g-grand-chose, eh, par contre ! Ahem. Voilà. E-et toi ? »

Il regarda le colosse, légèrement embarrassé. Il avait une seconde fois tutoyé le nouveau, mais cette fois il ne comptait pas se corriger pour le vouvoyer : ils étaient tous deux élèves, après tout. Et, avant qu’il ne réponde à son tour, Pamona ajouta à demi-mot :

« Je… Je veux bien que tu m’montres ces points, mais je garantis pas de les retenir… Enfin, c’est gentil, merci… »

Pamona, manquer une occasion d’en apprendre de son potentiel rival ? AHAH. Jamais. Il apprendrait tout ce qu’il pourrait apprendre de lui, améliorerait le tout, excellerait en la matière, et se montrerait de fait être le meilleur des deux. AHAHAHAHAHAH !

Gidéon sourit après avoir entendu la réponse du blondinet, et s’empressa de se lever pour aller chercher le matériel nécessaire. Il revint de fait avec des morceaux de tissus, du fil à broder, deux aiguilles, deux tambours à broder, une paire de ciseaux fins et bien affutés, et deux craies de couture pour dessiner les motifs sur le tissu. Du matériel qui, aux yeux de personnes non-intéressées par le milieu de la couture, paraitrait étrange. Du bon matériel aux yeux du blondinet. Les deux garçons préparèrent les tambours, tandis que leurs aînées étaient plongées dans leur discussion – qui avait pris un tournant plus personnel.

Gidéon eut un petit temps de réflexion, alors qu’il venait de faire un nœud à sa portion de fil. Puis, sans mot dire, il commença à broder quelques points « basiques ». Pamona haussa un sourcil. Non seulement Gidéon brodait immédiatement les points, sans dessiner de potentielle forme simple (même un rond aurait suffi), mais en plus il n’expliquait pas comment faire les points. Il… Pensait que c’était si simple que ça ? Qu’en observant juste, Pamona parviendrait à reproduire les points ? Pire, qu’il devinerait tout seul comme un grand à quel emploi était destiné tel ou tel point ? C’était assez présomptueux. Surtout que, bien qu’ils ne soient pas bien éloignés l’un de l’autre, observer les points de broderie demandait une plus grande proximité, que de toutes manières le blondinet refusait. Une petite voix, sa conscience probablement, souffla à Pamona que Gidéon devait agir plus par habitude que par manque de pédagogie, ou un truc du genre. Ça ne l’empêcha pas de non-seulement pester mentalement, mais aussi de bouder.

Bref.

Il observa comme il le put la conception du premier point (il apprit d’ailleurs plus tard que ce point se nommait « point avant »). Il n’était pas trop compliqué, bien qu’il lui fallut attendre que Gidéon le brode une cinquième fois pour bien comprendre comment le faire. Le second, le point arrière, était à la fois semblable à certains degrés au précédent, mais aussi à certains points de couture assez basiques et instinctifs. Là encore, il n’eut pas trop de mal à comprendre comment le faire. Puis Gidéon enchaîna avec le point de chaînette. Et là, ça n’allait plus du tout. Le temps que Pamona tente d’analyser le point, le Grand était déjà passé au suivant, puis encore au suivant. Il tellement absorbé par son travail… que Pamona n’osa l’interrompre, tout simplement.

Gidéon cessa soudain de broder.

« … Ma mère est décoratrice d'intérieur, elle dessine tout à la main. Mon papé est relieur mais il nous a souvent amener voir des spectacles de théâtre avec ma petite sœur et après on visitait les coulisses et on regardait les costumes. Sans doute de là, et aussi de le voir travailler le cuir avec ses mains. On dirai pas … Mais le travail d'un relieur est incroyablement méticuleux ! J'ai du commencer … Je devais avoir huit neuf ans. » finit-il par dire.

Il fallut quelques - longues - secondes à Pamona avant de comprendre qu’il répondait à la question qu’il lui avait renvoyé. Ces secondes furent fatidiques : Gidéon plongea dans ses pensées, tel une enclume en haute mer. Le p’tit blond crut que sa mâchoire allait tomber sur le sol, tant il ne s’y attendait pas. Il fixa, désabusé, son camarade, avant de soupirer presque rageusement.  Ce qui attira brièvement le regard de Mélina, qui se désintéressa bien vite de ce détail impromptu pour retourner à sa conversation Ô combien intéressante.

Pamona décida finalement de s’entraîner tant bien que mal aux deux seuls points qu’il avait compris sur les quatre. Et bien qu’il eut compris la théorie, la pratique s’avéra laborieuse. Ses points n’étaient pas toujours réguliers, et il suivait tant bien que mal le dessin qu’il avait rapidement tracé sur son tissu : à savoir, un rond d’un diamètre de deux centimètres. Il s’acharna à tracer et broder divers ronds, de diamètres variables (et franchement pas très réguliers pour les premiers). Il s’essaya, plus pour la forme, une fois aux deux autres points. Mais peine perdue. Aussi, utilisant la paire de ciseaux, il se débarrassa prestement de ces deux horreurs sans nom. Il arriva cependant un moment où la portion de tissu de Pamona n’avait plus assez de place. Aussi, il changea prestement de tissu, et se remit au travail. Ses gestes se firent un peu plus assurés, ce qui représentait pour lui une grande victoire.

Gidéon choisit précisément ce moment pour émerger de ses réflexions. Il observa quelques instants les travaux et essais – laborieux – du garçon avant de lui sourire.

« Tu te débrouille super bien ! Tu es doué ! Fais juste attention d'être un peu plus régulier sur ce genre de point. Tu as fait beaucoup de peluches ? J'aimerais bien en offrir une à ma petite sœur. »

Pamona sursauta en entendant la voix du Colosse, et manqua de lâcher le tambour. Il leva son visage vers son interlocuteur, le cœur battant à la chamade. Il n’eut pas vraiment le temps de réagir aux propos de son aîné, tout du moins aux compliments qu’il lui fit, tant il enchaîna rapidement les remarques. Le petit blond mit quelques secondes à complètement reprendre ses esprits (et ainsi à sortir du monde « Je couds, je travaille, le reste n’existe paaaaaas »), puis s’offrit quelques secondes pour respirer et calmer son petit accès de stress. Il sourit alors poliment à son aîné, sans cacher son embarras.

« Euh n-non, pas tant que ç-ça. Peut-être une petite d-dizaine, tout au plus… M-mais y’en a que trois qui sont v-vraiment réussies, dont celle-là. E-et puis,  je p-préfère éviter d’en f-faire pour des personnes que j-je connais pas, pour le moment… P-peut-être plus tard, q-quand je serai meilleur ?  »

Gidéon acquiesça silencieusement, sans montrer d’émotion particulière. Pamona ne sut trop quoi en penser. Etait-il déçu ? Totalement indifférent ? Ou autre chose ? Perplexe, le petit blond s’était donc totalement arrêté de bouger, les sourcils froncés, et observait le grand. Ce dernier, en fin de compte, sembla avoir… comme une prise de conscience. Puis il se mit à se masser la nuque, comme gêné par quelque chose. Les sourcils du blondinet se froncèrent davantage.

« … Euh désolé Pamona ! Je suis bête je t'ai rien expliqué sur comment on fait les points ! - Non, sans rire, tu crois ? –  Je suis désolé … C'est la première fois que j'apprends à quelqu'un … - Ca m’parait évident, oui. – Donc … Si ça te dérange pas on va reprendre … Par le point avant et arrière. Puis le point bouclette. Il est simple vraiment t'inquiète pas. La prochaine fois, j'amène du tissu pour du point de croix. »

Pamona acquiesça – en même temps, il ne pouvait pas faire grand-chose de plus, le grand avait déjà changé son propre tissu et se préparer à commencer le nouvel essai d’enseignement. De fait, extérieurement, le blondinet semblait calme et doux. Intérieurement, il bouillonnait.

S’acharner à apprendre, dans ces conditions et cet état d’esprit, les bases de la broderie avait comme qui dirait tendance à l’agacer. Grandement. Alors devoir en plus recommencer, uuuuuh. Il était à la limite de taper un scandale comme il n’en avait plus fait depuis… l’été dernier, lors d’une dispute avec son frère. Mais bon. Il prit sur lui, et s’efforça de rester attentif. Malgré son irritation, il n’avait pas perdu de vue son objectif : apprendre la broderie, et battre à plate couture le géant dans son propre domaine. Aussi, il écouta, observa, et tenta d’assimiler les informations que Gidéon tentait de lui inculquer.

Bien évidemment, Pamona avait parfaitement conscience qu’une pseudo-leçon d’une petite demi-heure n’allait pas faire de lui un professionnel du genre. Après tout, il n’était pas un génie, et…. Son professeur non plus, visiblement. Doué en broderie, oui, mais bien moins pour enseigner. Cela étant, avec les explications, il s’était amélioré, Pamona se devait le lui concéder. Quoi qu’il en soit, dix minutes encore plus tard, le blondinet lâcha un petit soupir, et cessa ses travaux.

« On devrait s’arrêter là, je pense. Je veux dire, ç-ça serait un peu dommage que je prenne trop d’avance sur les a-autres. Et ces quatre points sont bien suffisants pour une première leçon, n-non ? … Je pense pas e-en retenir plus. » Il sourit au grand poufsouffle, avant de jeter un coup d’œil à sa montre. « En plus, je v-vais devoir filer, pas fini mes devoirs. En tout cas, merci pour la leçon. »

« … Ah d’accord… Désolé pour cette mauvaise leçon ! Je ferais mieux la prochaine fois ! Je vais essayer de t’apporter des modèles… »

Pamona aurait voulu lui dire que la leçon n’était pas à proprement parlé mauvaise… Mais il se garda de le lui dire. Ce n’était pas vraiment par méchanceté, mais le petit blond n’avait juste aucune envie de se montrer altruiste. Il se doutait bien que le géant était une bonne personne, après tout il s’était montré doux et compréhensif envers lui. Mais il restait meilleur que lui en broderie. Peut-être même, bientôt, en couture ! Il était potentiellement meilleur que lui dans tous les domaines.

Pamona fronça les sourcils.

Non, il exagérait. Peut-être pas tous les domaines. Seulement celui qui lui tenait le plus à cœur. Quoi qu’il n’avait aucune preuve que Gidéon puisse être meilleur que lui en couture… Mais s’il savait aussi bien broder, c’est qu’il était susceptible d’être aussi bon en couture. Chose inacceptable aux yeux du blondinet. Personne ne pouvait être meilleur que lui en couture. C’était sa passion. Son hobby. Peut-être même son avenir. Et –

Ouh. La jalousie le faisait complètement divaguer.

Il rendit le kit de broderie à Gidéon, rangea ses affaires, et observa un instant le géant. Ce dernier était occupé à … il ne savait quoi. Assez occupé pour complètement oublier la présence du blondinet, vraisemblablement. Aussi, ce dernier ne se fit pas prier, et quitta la salle pour retourner à sa salle commune.

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