Ce jour-là, il fallait dire les choses telles qu’elles étaient : Conuratio se faisait incroyablement chier.

Il était chez lui, dans son village perdu et il n’avait rien à faire d’autre que de regarder l’eau de son chaudron bouillir. Sa vieille radio moldue était posée sur son plan de travail dans sa cuisine minuscule, sur lequel d’ailleurs, il était assis. Ses pieds tombaient mollement dans le vide, il n’y avait rien pour le faire sortir de sa léthargie. Il aimait bien écouter les musiques moldues. Elles étaient étranges, mais certaines étaient drôles, sans queue ni tête, surtout lorsque c'était à propos d’objets dont Fawley n’avait jamais entendu parler. Il se demandait toujours ce qu’était un bidet, mais bon.
Il en venait à se demander s’il n’allait pas essayer d’inventer une potion sans trop réfléchir lorsqu’une chanson bizarre passa à la radio. Au point même de lui faire tourner la tête vers la machine. Il se demanda pendant un instant si la chose ne s’était pas déréglée. Le professeur de Poudlard ne savait pas s’il devait rire ou pleurer devant des paroles si débiles. D’où ça sortait ça ? Ils faisaient une recette de cuisine à partir d’arsenic ? Mais il fallait être malade ! Du Pudding à l’Arsenic, ils ne sont pas bien, les moldus ! Si des gens venaient à vouloir tenter l’expérience…

Expérience !

Un rire nerveux parcouru le prof qui se dit qu’il était carrément malade. Mais bon. Non, il n’allait pas tenter la recette dictée par la chanson, parce qu’il conservait encore un minimum sa santé mentale. Et sa dignité.
Par contre, créer une potion se rapprochant des effets de l’arsenic, pourquoi pas ?
Conuratio se mit devant son chaudron, les paroles de la chanson résonnant toujours dans sa cuisine.

« Un scorpion coupé très fin… »

Scratch. Conuratio venait d’arracher la dernière page d’un livre, pour s’en servir afin d’écrire ses rapports.

« Deux cuillères de purgatif »

Le maître des potions souri en écrivant sa petite liste d’ingrédients. Il avait hâte de tenter l’expérience. Bon, il n’allait pas essayer sa potion, mais il était assez excité à l’idée de créer son propre poison ! Il allait sans doute le tester sur une pomme ou quelque chose dans le genre. Ce ne serait pas son style de le tester sur quelqu’un ou sur un animal. Conuratio n’en était pas à ce degré-là de passion pour les potions. En fait, il préférait largement les potions médicinales.

« Vous versez la mort-aux-rats »

« Des queues de rat » s’exclama-t-il en faisant parcourir la plume sur sa page noircie d’encre.
La musique défilait et le professeur se disait qu’il était quand même sacrément dérangé pour essayer de faire une potion qui avait les mêmes effets que ce poison.
Il y avait passé toute l’après-midi, et il se donnait du mal. Après une explosion où il avait évité de justesse les retombées acides, Conuratio en était finalement venu à bout.

Une erreur de débutant, en plus, au final il avait fini sa potion en râlant.
Maintenant, sa préparation cuisait paisiblement, et avait pris depuis quelques minutes une agréable teinte dorée, c’était plutôt bon signe. Ça donnait presque envie de la boire. Lorsqu’elle commença à bouillir, Fawley baissa le feu, prit une pomme qu’il mit sur sa table et à l’aide d’une louche, versa quelques gouttes du potentiel poison sur le fruit… Qui commença à sécréter une substance blanche. C’était dégueulasse. Mais particulièrement satisfaisant. S’il lui venait l’envie d’en verser par inadvertance dans le jus de citrouille d’un élève agaçant…
Il prit un flacon pour y verser quelques petites cuillers, parce qu’il ne comptait pas perdre une préparation qu’il venait juste de créer. Il colla une étiquette blanche et se questionna pendant quelques instants sur le nom à donner à son nouveau poison. Il eut un rire, puis décida de rendre hommage à la musique qui était passée sur la radio.

Fawley avait désormais dans sa bibliothèque une préparation nommée : « Poison à l’arsenic ».