J'avais dû attendre trois jours après ma rencontre avec Angela pour trouver un moment de libre. Enfin, fébrilement, je sortis ma "3DS" et le jeu qui l'accompagnait du sachet plastique que j'avais religieusement posé sur la table de mon salon. J'ouvris la boîte avec délicatesse, déposant soigneusement chaque objet sur la table avant de déballer le suivant. Je procédai ainsi jusqu'à atteindre la "notice" de chaque boîte. Après avoir lu attentivement les instructions de ma nouvelle "console", je me sentis prête à l'allumer.  

"Opération 3DS : initiée..." murmurais-je en appuyant sur le bouton d'allumage sous le regard curieux de ma chouette.

Aussitôt, l'écran s'alluma devant mes yeux émerveillés. Ils étaient quand même drôlement intelligents, ces Moldus ! Ils ne savaient pas faire des photos vivantes, mais pour bidouiller des machins électroniques, ils dépassaient largement mon pauvre esprit de Sang Pur. Je laissais échapper un sifflement admiratif lorsque la console se mit à faire du bruit et l'admirai comme s'il s'agissait d'une merveille miniature. Non sans difficulté, j'essayai de prendre en main cette chose nommée "stylet" et qui me servait à "écrire" sur l'écran. Je m'étonnai qu'il suffise d'appuyer sur les lettres pour qu'elles soient transmises sur le champ prévu à cet effet. Quelle remarquable ingéniosité !

Je remplis correctement tous les paramètres jusqu'à arriver à une page qui m'indiquait de me connecter à "internet". Voilà que les choses allaient se corser... J'avais été tellement fière de réussir à tout faire correctement jusque là que cette première épreuve me fit froncer les sourcils. J'eus beau chercher dans le manuel, apparemment "internet" n'était pas un paramètre de la console. C'était quelque chose qu'on devait déjà avoir chez soi. Mais qu'était-ce donc que cela ? Je fus distraite un instant de mes réflexions par un petit machin lumineux, initialement vert, qui tourna soudain au rouge.

Un rouge vif, inquiétant, effrayant, terrifiant ! C'était mauvais signe, sans aucun doute. J'avais dû faire quelque chose de travers ! La panique monta subrepticement en moi lorsqu'une "fenêtre", comme l'appelait le manuel, apparut au beau milieu de mon écran :

"Batterie faible, veuillez brancher le chargeur."

Oulah ! Batterie ? Chargeur ? Aussitôt, je bondis sur ledit chargeur qui trônait au milieu de la table. Je rentrai le machin dans le trou correspondant derrière la machine, puis regardai avec perplexité l'autre bout du chargeur. Qu'était-ce donc que cette chose ? Après avoir consulté le manuel de l'objet, j'appris qu'il fallait l'insérer dans une prise d'alimentation. Mais... Je n'avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait bien être qu'une prise.

Une goutte de sueur se mit à couler sur ma tempe lorsque la lumière rouge se mit à clignoter. Cette extinction régulière de la lumière me parut terriblement dangereuse. Presque agressive. Je frissonnai de frayeur lorsque l'écran et le voyant devinrent noirs. Fébrile, j'appuyai sur le bouton d'allumage en espérant que la machine se rallume. Après plusieurs essais, je dus me rendre à l'évidence : elle était cassée. Pire, je l'avais tuée... La panique explosa soudain alors que j'avais l'impression d'avoir tué un être vivant.

"Par Merlin qu'Est-ce que j'ai fait ?!?"

J'essayai de me calmer alors que Mélusine secouait ses ailes, visiblement inquiète de me voir aussi stressée. Je me mis à faire les quatre-cent pas dans le salon, faisant claquer mes talons aiguille sur le plancher.

"Mais qu'est-ce que je vais faire ? Mais qu'est-ce que je vais faire ?!?"

Je m'arrêtai soudain en m'exclamant :

"Camille !"

Mon amie serait certainement capable de m'éclairer, voir de sauver ma machine ! D'un coup de baguette, je rassemblai les divers objet, chacun dans sa boîte, puis remis tous les cartons dans le sachet plastique. Je rejoignis la rue devant l'appartement d'un pas vif et transplanai aussitôt dans un coin sombre, à quelques mètres de l'entrée de son bâtiment. Je rejoignis sa porte d'un pas vif et frappai à sa porte un peu plus vigoureusement que nécessaire. Je devais d'ailleurs avoir l'air angoissée, perturbée, terrorisée ou presque. Je me sentais comme une meurtrière...

"Camille, ouvres-moi s'il te plaît !!! Camiiiiiiiiiiille !"

Au moins, Camille répondit tout de suite après m'avoir entendue. Je me demandais un instant de quoi je pouvais bien avoir l'air, toute stressée et ébouriffée jusque dans ma tignasse (qui était dans un état tel qu'elle ressemblait à s'y méprendre à ma fourrure de renarde). Mais l'heure n'était pas à des interrogations d'ordre esthétique. Il y avait bien plus grave !

Lorsque mon amie m'ouvrit en vérifiant rapidement si quelqu'un me suivait dans les escaliers, je me rendis compte que j'avais probablement un peu exagéré dans ma panique. Après tout, il n'y avait peut-être rien du tout... Mais d'un autre côté, j'avais peut-être tué la machine !!! A cette idée, un frisson s'empara de moi. Aussitôt, Camille referma à clé derrière nous et me prit par les épaules :

« Hey ! Bah qu'est-ce qu'il t'arrive, bichette ? On dirait que tu as vu un mort, là ! Tu es pâle comme un cul. Viens. »

Je me calmai aussitôt en entendant son timbre que je jugeais réconfortant depuis nos années à Poudlard. Bien que son langage très familier soit à l'exact opposé de ce que j'avais connu toute ma vie, il avait un petit côté rafraîchissant qui me mettait à l'aise, allez savoir pourquoi.

Elle me fit asseoir à table pendant qu'elle me préparait un chocolat chaud. L'odeur de la boisson m'apaisa encore un peu plus et je me rendis compte que j'avais gardé le silence trop longtemps lorsqu'elle reprit avec inquiétude :

« Qu'est-ce qu'il t'arrive, bichette ? Je ne t'ai jamais vu dans un état pareil, ça doit être important. »

Elle me regardait en coin, comme si elle s'attendait à quelque chose de terrible, du genre une attaque de détraqueurs assoiffés de sang dans mon bureau ou une autre folie de cet acabit. Je me sentis subitement honteuse de la monstruosité que je m'imaginais avoir fait subir à ma console. Pour l'heure, c'était moi le monstre de l'histoire ! Pauvre chose... Je l'avais tuée, violentée, abandonnée alors même qu'elle avait affiché un conseil pour la sauver. Il va de soi que j'ignorais totalement qu'il s'agissait d'un objet purement inerte. Au vu de ses réaction, je m'étais plus ou moins imaginée qu'il s'agissait d'une créature fabriquée avec la technologie des Moldus. Après tout, je n'avais jamais vu de machines avant mes récentes escapades de ce côté de Londres. D'ailleurs, la télévision allumée dans la pièce m'avait rassurée sur ma décision de venir voir Camille. Elle s'y connaissait, en machins Moldus. Elle saurait peut être ressusciter la console. Mes yeux s'embuèrent de larmes et je balbutiai avec désespoir :

"J'ai fait quelque chose... de... de terrible..."

Je m'arrêtai quelques secondes, le temps de renifler, puis ajoutai dans un sanglot :

"J'ai tué la machiiiiiiiiiiiine !"

Je me mis à pleurer carrément en extrayant "le cadavre" de son sachet plastique, presque religieusement, comme si je manipulais quelque chose de sacré.

"Elle... elle m'a demandé de la brancher, mais... mais... Je n'ai pas su, parce que... je sais pas ce que c'est, une prise... et puis... elle a fait de la lumière rouge et... et... elle est moooooooooorte !"

Camille me regarda un moment avec l'air de se retenir de pouffer, puis finalement elle n'y tint plus et finit par éclater de rire devant ma mine déconfite. Heureusement son sourire était des plus rassurants et me soulagea un peu... Elle me prit la console en disant :

« Détends toi, miss. C'est rien du tout. Elle n'est pas morte ta machine, juste déchargée... Fatiguée, en quelque sorte. Rassures-toi, il faut juste la charger. »

Fatiguée ? Petite fainéante ! Elle avait à peine fonctionné le temps que je la "paramètre" ! J'observai avec un intérêt non-dissimulé les actes de mon amie, qui semblait disposer de tout un tas d'objets plus bizarres les uns que les autres. D'ailleurs, elle s'approcha de l'un d'eux et tira sur un long fil épais qui sortait de l'objet. Cela libéra un drôle d'objet encastré dans le mur, présentant deux petits trous et une courte tige de fer. Elle revint vers moi en demandant :

« Tu aurais le chargeur ? Un fil avec une grosse prise au bout. »

Le chargeur. La chose curieuse dont j'ignorais tout ! Je fouillai dans mon sachet à la recherche de l'objet en question, dont je me doutais que les petits picots rentreraient dans les trous.

« C'est ça une prise, ma grande. Ton chargeur, je vais l'y brancher et brancher ta machine. Comme ça, elle reprendra de l'énergie et elle fonctionnera correctement. »

Ainsi donc, cette chose dans le mur était la fameuse prise dont parlait le manuel. Je finis par mettre la main sur le "chargeur" et le lui tendis avec perplexité.

"C'est cette chose-là non ? J'ai bien lu le livret d'explications mais tu sais, chez moi, il n'y a pas de... "prises", là. Et puis d'ailleurs, ça disait qu'il fallait "se connecter à internet". Et c'est quoi ça internet ? Et puis d'bord pourquoi il n'y a pas une partie spéciale pour les sorciers dans les manuels ? Qu'on ne puisse lire qu'avec nos baguettes ?!? Ca éviterait qu'on croie qu'on a tué quelque chose."

Je reniflai avec mécontentement, déçue de m'être fait tant de souci pour un objet qui avait seulement besoin de se reposer. Sale machin électronique !

Camille arborait un si large sourire que je me demandai aussitôt si j'avais dit une bêtise. Après une courte réflexion, je me rendis compte que mon raisonnement était terriblement... Sorcier. Evidemment qu'il n'y avait pas de mode d'emploi spécial sorcier, puisque c'était les Moldus qui fabriquaient les engins...

« Sûrement parce que les moldus ne savent pas qu'on existent., non ? Après reste l'idée de trafiquer un peu les consoles pour qu'elles soient accessibles aux sorciers, mais c'est pas bien conseillé, me semble-t-il. Le service de détournement de l'artisanat moldu est devenu trop strict, après la dernière guerre.  »

Ca, c'était un fait avéré. A part mon oncle qui bidouillait encore des choses moldues dans la cabane au fond de son jardin, la plupart des gens évitaient de trop se frotter à l'artisanat moldu... et c'était plutôt dommage, non ? Je trouvais ça curieux qu'on ne puisse pas se mélanger plus facilement. A une époque telle que la nôtre, après la guerre et tout ça... Ce serait logique qu'on fasse d'avantage d'efforts de ce côté, non ? Plutôt que de tout restreindre. Après tout, de mon point de vue, on pouvait fort bien modifier magiquement tout un tas de choses qui n'avaient rien à voir avec les Moldus pour en faire des objets dangereux. Cela dit, ça, c'était d'avantage le genre de conversations que j'avais envie d'avoir avec mon oncle Arthur qu'avec mon amie. Cette dernière me fit un clin d'œil avant d'aller brancher ma console. Celle-ci se ralluma aussitôt sous mes yeux ébahis. Merveilles de la technologie !

Rapidement, Camille paramétra l'objet et je l'observai avec la plus grand attention, désireuse de pouvoir le refaire moi-même plus tard. Lorsqu'elle en eut terminé, elle revint près de moi pour s'affaler dans une chaise en roulant une nouvelle cigarette. Je la regardai avec un léger sourire en coin, amusée.

Nous n'avions rien en commun, vraiment. Strictement rien. J'étais du genre plutôt féminine dans tout ce que je faisais et je prenais plaisir à me sentir belle. Pour sa part, elle s'en fichait complètement et se comportait comme un homme, s'habillait et avait tout l'air d'en être un. Son langage était franchement fleuri, frôlant parfois la plus extrême des familiarités. De mon côté, je ne pouvais me départir de ces habitudes linguistiques héritées de mon éducation de Sang Pur. D'ailleurs, j'étais aussi étrangère que possible au monde des Moldus et la raison de ma présence ici ne faisait que le confirmer. Elle, elle y évoluait avec une aisance remarquable, naturellement, aussi bien dans ce monde que dans l'autre. Selon toute probabilité, nous n'étions pas faites pour nous entendre. Et pourtant...

Quand je la regardais, je me sentais tellement heureuse ! Si j'avais une amie sur Terre, c'était elle, sans le moindre doute. Elle m'avait mise à l'aise et j'avais l'impression de pouvoir tout lui dire. Qu'elle ne me jugerait pas, jamais. D'ailleurs, elle m'était venue en aide sans la moindre hésitation, sans se moquer de mon ignorance. Et ça, c'était une chose que j'appréciais chez elle. D'ailleurs, je supposais que c'était cette caractéristique qui faisait d'elle une si merveilleuse enseignante.

« Ça, c'est fait ! J'espère que tu as un peu de temps devant toi, le temps qu'elle charge. Mais forcément, sans prise, tu vas vite te retrouver sans batterie. Si besoin, tu pourras toujours venir à la maison pour la charger, ça nous fera l'occasion de papoter. »
-Ne t'inquiète pas, je n'ai rien de spécial à faire aujourd'hui. Je me demande si je pourrais faire installer une prise à la maison..."

Ca serait de toute évidence nécessaire. Je n'allais tout de même pas venir la déranger à chaque fois que j'aurais besoin de "recharger" ma machine. Ce serait peut être compliqué puisque je vivais dans le cœur sorcier de Londres... Mais bon, au pire je trouverais le moyen de m'arranger avec quelqu'un pour ça. Quand on veut, on peut. Camille alluma sa cigarette et s'empressa d'ouvrir la fenêtre. C'était très prévenant de sa part, car elle m'évitait ainsi de prendre de plein fouet l'odeur si désagréable du tabac. D'autant que c'était dangereux pour la santé, paraissait-il.

Je la regardais insérer une chose brillante dans une machine noire posée sur son plan de travail et me demandai avec curiosité à quoi cela servait. J'eus ma réponse lorsqu'un filet de café se mit à couler sous mes yeux ébahis. Comment pouvait-on passer du petit paquet brillant à un café ? Je n'en avais pas la moindre idée, mais c'était remarquable. Je ne buvais jamais de café, mais j'en avais déjà fait une ou deux fois, à l'aide d'une poudre qui sentait fort. Mais j'avais dû en mettre beaucoup. Peut-être le petit paquet contenait-il un dosage idéal pour une tasse ? Quelle idée astucieuse !

« Sinon, ça se passe bien au ministère ? Pas trop de boulot ? »
-Oh, en ce moment c'est assez calme. Enfin... J'ai dû intervenir quelques fois pour de petits délits, mais rien de grave."

Je m'interrompis un instant avant d'ajouter d'un air soucieux :

"J'ai également eu l'occasion de discuter avec quelques élèves de Poudlard. Je pense qu'elles souhaitent s'essayer à l'animagie, mais... Ca m'inquiète. J'espère avoir dissuadé l'une d'entre elles de se lancer dans quoi que ce soit toute seule. Yohana Dwight. Je pense qu'elle suivra mes conseils et que je pourrais l'insérer dans le cursus de formation en temps voulus si elle le souhaite toujours. Mais l'autre... Kathleen H. O'Hare... Je ne sais pas, je m'interroge à son sujet. Elle n'a pas clairement dit qu'elle souhaitait devenir animagus, mais ses questions, la façon de les formuler, la réflexion qu'il y avait derrière... Je pense qu'elle s'y essaiera, un jour ou l'autre. Et tu sais aussi bien que moi ce qui peut arriver lorsque le processus est lancé sans aucune aide, sans personne pour guider le sorcier..."

Peut-être n'avait-elle jamais vu ça, mais elle en avait entendu parler. Lors de ma première mission, quand j'avais trouvé cette gamine à moitié transformée et incapable de revenir à son état normal, j'avais été si choquée que je n'avais osé en parler à personne sur le moment. C'était Camille qui m'avait fait sortir de mon mutisme et elle avait eu la primeur de mes explications sur ce que j'avais vu. Mon esprit était encore hanté par cette vision de cauchemar et j'avais depuis résolu d'empêcher quiconque de se retrouver dans cet état un jour... J'en frissonnai d'horreur avant de reprendre :

"J'ai essayé de la dissuader de faire quoi que ce soit toute seule, mais je ne suis pas certaine qu'elle m'écoutera. Elle m'a l'air d'avoir un fort caractère et je doute qu'elle abandonne aussi facilement, ou qu'elle attende gentiment d'avoir l'âge requis..."

Je croisai les jambes, songeuse.

"Tu as peut être une meilleure opinion que moi sur elle. Après tout, c'est ton élève et moi je ne l'ai vue qu'une fois..."

Je fixai Camille d'un regard songeur, me demandant si je m'étais fait des idées sur la jeune Kathleen ou si elle aussi avait eu l'occasion de remarquer ce genre de choses à son sujet.

« Ne pense pas à elle. Tu n'y étais pour rien, ne culpabilises pas à cause de ça. Je sais que tu y penses, mais tu n'y es pour rien dans le choix de certaines personnes et la réalité qui survient ensuite. »

Je restai silencieuse un moment, réfléchissant à la question. Elle avait peut être raison, mais... Quand même. J'était là pour ça, non ? C'était mon but dans la vie, mon objectif professionnel. Et puis, avouons-le, j'aurais bien mieux dormi si je pouvais être sûre de ne jamais retomber sur une vision semblable de toute mon existence. Et si jamais c'était l'une de ces jeunes filles à qui cela arrivait ? A l'idée de devoir intervenir pour Yohana dans un tel état, je frissonnai d'effroi. Les pensées de Camille avaient emprunté le même chemin et elle poursuivit :

« Tu crois que je devrais leur parler de mon expérience personnelle ? Le fait que je me prépare depuis quelques temps à devenir animagus ? Ça pourrait les aider ? »

Peut être. Je pris le temps de bien réfléchir à la question, car elle était de la plus extrême importance. C'était une bonne idée, à première vue. Après tout, lorsque je m'étais moi-même lancée dans l'aventure de l'animagie, j'avais était aiguillée par Wallace, mon actuel supérieur au ministère, mais aussi par le professeur Mc Gonagall. Avoir un double parrainage pouvait beaucoup aider, car chacun envisage l'animagie de son propre point de vue... Et il vaut donc mieux avoir plusieurs avis sur la question avant de se lancer.

« Le souci, c'est que je suis absolument certaine que les filles que tu me cites ne sont pas les seules à y penser, loin de là... »

J'y avais réfléchi aussi... Et ça m'inquiétait. Que faire si je me retrouvais face à une recrudescence d'apprentis animagus non déclarés ? L'idée me donnait des sueurs froides. Pourtant, du fait que Camille elle-même avait entrepris le processus, peut-être serait-il intéressant de s'en servir pour sensibiliser ses élèves... J'en étais là de mes réflexions lorsque soudain mon amie eut un geste si brusque qu'elle renversa du café au sol. Après un coup d'œil vers la fenêtre elle nettoya d'un coup de baguette avant de me dire :

« Et si je préparais une info ou je conviais tous les élèves intéressés par le sujet. Je suis leur professeur de métamorphoses, après tout, ça paraîtrait certainement normal, non ? Avec toi comme intervenante. Ça pourrait être intéressant, non ? Enfin... Si tu ne l'as pas déjà fait, je viens d'arriver, donc je ne sais pas vraiment ce qui a été fait ou non... »

Ah, en voilà une bonne idée. Ca me permettrait de rencontrer les élèves autrement que par hasard. Parce qu'il faut bien le dire, si je n'avais pas subitement décidé d'aller me balader à Pré-Au-Lard, jamais je n'aurais rencontré Yohana. Du coup, cette proposition me permettrait d'être bien mieux informée et bien plus efficace. Je répondis alors avec un entrain grandissant :

"Ca, ce serait vraiment génial ! Moi je n'ai jamais rien fait de tel. Je pense que la dernière a avoir profité de ce genre de processus... C'était moi, justement. Avec le professeur Mc Gonagall et Wallace, à l'époque. Mais avec celle qui l'a précédée, je n'ai jamais entendu parler d'un tel travail d'équipe. Du coup, ce serait vraiment une aubaine de rétablir le lien entre mon service et tes élèves. En plus, comme nous sommes amies, ce serait bien plus facile pour nous également qu'avec de parfaits inconnus... Et même par la suite, nous pourrions nous organiser pour faire le suivi de formation des apprentis..."

L'idée m'avait tellement intéressée que je fouillai dans l'une de mes poches magiquement agrandie pour y trouver un carnet, dans lequel je notai d'en parler à Wallace au plus vite. J'avais tant de choses à penser en ce moment que j'en étais venue à tout noter. aussi inscrivis-je le commentaire quelque part entre un gribouillis concernant un rendez-vous professionnel et une note sybilline "Jasper L. -> suivre piste". J'avais légèrement oublié de m'intéresser à ce dernier depuis notre dernière rencontre et en voyant son nom, j'eus une réaction légèrement gênante : je rougis. Pourquoi diable cet homme-là me perturbait-il autant ? J'essayai d'ignorer mon trouble et repris d'une voix moins assurée :

"J'en discuterais avec mon supérieur lundi et nous verrons ce que nous pouvons faire. J'ai également pas mal de matériel pédagogique à l'adresse des jeunes qui souhaitent se lancer dans l'animagie... Je peux te faire envoyer quelques exemplaires, si tu le souhaites. Des brochures, des tracts... Ca n'avance pas à grand-chose, mais au moins ça répond aux questions les plus classiques."

« Oui, je veux bien que tu m'en envoies, ça me fera une base pour l'info. D'ailleurs, le prochain pallier, pour mon cas d'animagus, c'est pour quand ? Parce que je... Oh... »

Je n'écoutais que d'une oreille distraite, rougissant de plus en plus furieusement en me souvenant de ce qu'il s'était passé entre nous. Ce fut à ce moment que Camille se retourna et s'alarma de mon expression. Elle ouvrit la fenêtre et s'approcha de moi en disant :

« Hey, ça va ? T'es toute rouge d'un coup ! Tu veux un verre d'eau ? Autre chose ? Qu'est-ce qui t'arrive ? »
-Je... Heu..." bafouillai-je sans grande conviction.

J'étais peut-être encore plus gênée à l'idée d'avoir été surprise rougissant de la sorte. Ce qui fit empirer la chose, me colorant d'un bordeaux soutenu... Il fallait que je dise quelque chose... Mais... Mais... J'essayai d'inspirer plus profondément pour me calmer alors que Camille essayait de me rassurer :

« Respire, miss, j'ai l'impression que tu vas exploser. On dirait une tomate, je te jure. Et dis moi ce qu'il se passe aussi, parce que là, ça fout la trouille, quand même. »

J'inspirai profondément, puis me décidai à lui expliquer... J'avais si bien tenté d'oublier tous les détails de ma rencontre avec Jasper, gardant tout pour moi depuis des semaines, que je finis par craquer et débitai à toute vitesse :

"J'ai fait quelque chose de terrible pendant une mission, j'ai laissé filer le coupable, pire, je l'ai protégé, j'ai effacé son dossier des données du ministère... Et avant de savoir ce qu'il faisait et ce qu'il était on a dîné ensemble et il m'a embrassée. EMBRASSEE ! Mon premier baiser était avec un voyou animagus non-déclaré !"

J'étais moi-même encore choquée par cet état de fait. J'essayai d'ignorer le fait qu'au fond, ça ne me dérangeait pas tant que ça qu'il m'ait embrassée. Et j'éludai du même coup mon attirance pour lui. C'était uniquement dû au fait qu'il était de la même trempe que moi. Son côté sauvage m'avait plu, comparé aux hommes auxquels j'étais confrontée d'habitude... C'était tout, n'Est-ce pas ?

En tout cas, hors de question de parler de tout ça à Camille tant que je n'aurais pas moi-même mis mes idées au clair. C'était déjà bien assez humiliant d'avoir failli à ma mission et d'avoir menti au ministère... J'avais toujours un peu honte d'avoir été à l'encontre de tous mes principes pour un inconnu. Pire, d'avoir passé un pacte avec lui, mettant de ce fait à la fois mon poste et ma vie en jeu. C'était risqué... J'avais beau prier pour qu'il se décide à rentrer dans le droit chemin, ce n'était tout de même pas certain qu'il le fasse un jour. Ah, tant de choses s'étaient passées depuis que je l'avais rencontré ! Bien que brèves, nos rencontres étaient toujours intenses, d'une façon ou d'une autre. Je lâchai d'une voix tendue :

"Si jamais mes supérieurs apprennent ça, je serai fichue !"

« Alors là, je suis sur le cul ! Si on m'avait dit qu'un jour tu jouerais la rebelle, je ne l'aurais jamais cru... »

Je pris aussitôt une délicate couleur rouge vermillon, très élégante sur ma peau très blanche. J'avais presque envie de protester très puérilement, mais... En fait elle avait raison. C'était quasiment ça, en fin de compte. Je m'étais rebellée contre l'autorité suprême du ministère, tout ça pour un voyou... Camille semblait choquée et se roula une nouvelle cigarette. Elle l'alluma et poursuivit :

« En fait, t'as dîné avec un mec qui t'a caché des trucs, t'as embrassé et t'as fait en sorte qu'il soit en quelque sorte blanchi auprès du ministère, même s'il est coupable... Putain, t'es une rebelle, une warrior... Par contre oui, tu as raison sur un point, s'ils s'en rendent compte, t'es dans la merde noire... Mais tu as fais attention, je suppose, non ? Tu es minutieuse, à mon avis, ils ne s'en apercevront jamais, te connaissant. »

Je haussai les épaules. Evidemment, que j'avais fait très attention. Surtout pour ça. Jamais de la vie je n'aurais osé entreprendre ce genre d'actes sans être très, très prudente. En théorie, personne ne saurait jamais rien. J'avais imputé une majorité de ses actes à des animagus que j'avais déjà attrapés et les plus récents à l'un de ceux qui m'avait échappé en traversant la manche. Mais Camille me connaissait assez pour savoir que je tenais plus que tout au monde à mon travail. Elle me sourit et poursuivit :

« Bon, sinon, sérieusement... Il embrasse bien au moins ? »

Je tournai à un rouge plus vif encore, bien plus proche du bordeaux que du vermillon. Elle me tirait la langue, taquine. C'était moyennement drôle... Je répondis, penaude :

"Aucune idée... Je n'ai jamais embrassé personne d'autre..."

Je sentis jusqu'à mes oreilles qui prirent une teinte similaire au reste de mon visage : quasiment pourpre... Pendant ce temps elle saisit un prospectus et me le tendit en disant :

« Tiens, je t'invite, je vais commander des pizzas. Choisis. »

Des.. Pizzas ? Qu'était-ce ? J'inclinai légèrement la tête sur le côté en saisissant le papier, que je parcourus des yeux avec curiosité. En consultant le document, j'appris que les "pizzas" étaient constituées de pâte sur laquelle on déposait divers ingrédients. Je fronçai les sourcils... Et finis par avouer :

"En fait, je n'en ai jamais mangé... Je n'ai aucune idée du goût que ça peut avoir. Et puis... Qu'Est-ce que c'est que de la "harissa" ? "

Allez savoir pourquoi, ce mot avait attiré mon attention.

Camille semblait s'amuser de mon émoi, qui pour ma part me glaçait d'effroi. J'étais proprement ridicule. Et puis, j'avais vraiment l'air d'une ado qui bavait face au bad boy de l'année supérieure. Lamentable et très indigne de ma part. Heureusement, elle semblait avoir décidé de cesser ses taquineries et son regard s'attendrit tandis qu'elle reprenait :

« Ali, je ne sais pas si tu comptes le revoir ou pas, mais juste le fait que tu ais fraudé pour lui, ça veut dire pas mal de choses. Je suis pas douée pour ça, et tu le sais. Mais même un geste comme ça, je sais que c'est pas anodin. Et il t'a embrassé, ça non plus c'est pas anodin. Alors si tu ressens ne serait-ce qu'un petit pincement au cœur pour lui, fonce ! Ça peut donner quelque chose de beau, tu ne crois pas ? »

Ce qu'elle me disait me donnait certes à réfléchir, mais... J'avais la TRES nette impression que Jasper était justement du genre à embrasser n'importe qui de façon anodine. C'était probablement seulement un jeu pour lui. Je n'avais probablement été qu'un jeu, du début à la fin. Même si pour ma part j'avais risqué gros pour lui, je doutais qu'il en fasse autant. Heureusement, mon amie revint à des préoccupations plus triviales et je l'écoutais avec attention tandis qu'elle m'expliquait ce qu'était une pizza.

« En bref, il font une pâte sur laquelle ils mettent soit une couche de sauce tomate, soit de crème fraîche, les ingrédients que tu demandes, ils recouvrent en général de fromage et ils font cuire. C'est bon, c'est consistant et c'est pas super cher... Et la harissa, c'est une sorte de pâte très pimentée. C'est fort et épicé, personnellement, je ne te le conseille pas sur ta première pizza. Y'en a une qui te tente dans le lot ? »

Bien. Donc, c'était une recette à base de... Tout et n'importe quoi. Curieusement, cela me plaisait. Après tout, j'avais un instinct animal profondément enfoui. Nous autres renard, bien que dotés de certaines préférences alimentaires, refusons rarement de goûter à tout ce que nous trouvons. La seule exception à la règle était le poisson. Je n'avais jamais apprécié cela, encore moins depuis que j'étais animagus. Ces créatures-là n'étaient pas faciles à attraper, qu'on se le dise. Leur chair était gluante et très peu appétissante. Non, je préférais de loin un bon poulet. A ce propos, je constatai rapidement que l'une des pizzas rassemblait à peu près tout ce que le monde pouvait comporter de meilleur. Aussitôt, je la désignai à Camille avec un immense sourire :

"La savoyarde avec supplément poulet ?"

Crème, emmental râpé, lardons, poulet, oignons, pommes de terre, mozzarella, reblochon. Si une quelconque divinité existait sur cette terre, elle devait probablement être à l'origine d'une telle création. Rien qu'à l'idée de manger quelque chose qui semblait aussi appétissant, mon estomac se manifesta par un délicat gargouillis ogresque que me fit rougir légèrement. Néanmoins, mes yeux brillaient de convoitise, comme toujours lorsque quelque chose me mettait en appétit.