Nim avança dans le couloir, un petit air coupable sur le visage, elle regarda à droite, puis à gauche et encore à droite et, enfin, s'engouffra dans une des salles désaffectées du quatrième étage.

Toute la salle était poussiéreuse mais bien rangée, les tables étaient ordonnées, bien alignées, le bureau du professeur était parfait. Tout avait été remis en ordre pour faire comme si la salle attendait un cours, cours qui ne viendrait jamais ou pas avant longtemps puisque la salle était censée être … Maudite.

Pourtant, rien ne laissait paraître une telle éventualités, aussi Nim aimait bien s'y faufiler pour lire tranquille et s'entraîner. S'entraîner à quoi ? A lire … A dépasser sa timidité.

La rouquine se dirigea vers le bureau, observa le beau meuble en bois et passa derrière, elle trouva un coin de salle et s'y installa, les fesses sur le sol. Elle posa son sac devant elle et commença à fouiller dedans, elle en sortit une gourde, un roman et un gros pull, parce que oui... Ca ne sert à rien de chauffer une salle désaffectée … Donc, bah … En janvier il fait froid.

Elle enfila son gros pull, remit sa cape sur ses épaules et se cala confortablement dans le coin qu'elle avait repéré. Elle attrapa sa thermos et l'ouvrit, un doux fumet chocolaté s'en échappa. Nim y trempa les lèvres et but une gorgée, un doux frisson de plaisir la parcourut. Un petit sourire idiot naquit sur son visage alors qu'elle se réchauffait les mains avec la gourde chaude.

Ainsi cachée derrière le bureau et dans un coin, impossible d'être vue du couloir, la planque parfaite ! La rouquine tendit l'oreille et écouta … Parfait ! Personne dans le coin ! Elle attrapa son roman, enleva son marque-page, un cadeau de son grand frère, et se racla la gorge avant de commencer :

-Tu ne te retenais pas face à Braga pour que Pe … Pickering puisse le tuer, si ? lui demanda Royce lorsque les deux voleurs se retrouvèrent seuls dans le couloir. Bien sûr que non. Je m... n'attaquais pas parce que tuer un noble, c’est la mort assurée pour un roturier. C’est ce que je pensais, dit Royce d’un air soulagé.

La gamine accumula les couacs, elle devait encore s'entraîner ! Devenir meilleure et vaincre sa timidité ! C'est son grand-frère qui lui a parlé de cette technique. Elle voulait se faire des amis et parler avec eux !! Elle y arrivera !

Son sac frappant le bas de son dos presque douloureusement, Eileen grimpait un escalier puis tournait dans les couloirs du quatrième étage en courant. Elle ne priait que pour une chose : que parmi les élèves qu’il avait fait fuir de la même façon, Peeves ne choisirait pas de la suivre, elle. Il avait suffi d’une apparition soudaine et d’un rugissant « oh les mignons petits agneaux tout frais » pour que les pauvres âmes en perdition s’éparpillent un étage en dessous.

Au mauvais endroit, au mauvais moment. Ça devrait presque être sa devise. Dans le cas présent ce n’était pas aussi dramatique que ça avait pu l’être dans le passé, mais avec l’esprit frappeur tout dégénérait à une vitesse folle. Ils n’étaient que quatre ou cinq à fuir donc d’autant plus de chance qu’elle retombe sur lui.

Eileen tourna une fois encore en s’essoufflant un peu plus. Elle finit par s’arrêter dans un couloir désert tentant tant bien que mal de faire taire sa respiration erratique pour vérifier qu’aucun bruit ne la suivait. Elle compta : un, deux… vingt ? Tout avait l’air bon. Elle se laissa soupirer en tenant une main contre sa poitrine. Il faudrait vraiment qu’elle apprenne à être plus endurante. A rajouter dans la liste de toutes les choses qui lui restaient à améliorer. Juste après : faire ce qu’il y a marqué dans la liste. Encore faudrait-il écrire la liste. Elle était donc tranquille pour un moment.

Elle n’avait jamais été dans ce couloir. La majeure partie du château lui était encore inconnue à vrai dire. Elle n’était pas vraiment du genre explorateur. Pas toute seule en tout cas. On entendait suffisamment de rumeurs sur telle ou telle partie de telle ou telle section du bâtiment pour désirer rester prudent, quand on avait une once d’instinct de survie.

Elle s’enfonça un peu plus dans le couloir d’un pas tranquille. L’escalier le plus proche devrait être de l’autre côté. En tout cas elle l’espérait, elle n’avait aucune idée du chemin qu’elle avait parcouru pour en arriver là. Tout ce qu’elle savait était qu’elle avait beaucoup marché donc logiquement elle devrait marcher moins si elle continuait son chemin sans le rebrousser. Un bruit faible parvint à ses oreilles. Comme un murmure.

Elle observa les portes en fronçant les sourcils. Le son devenait plus prononcé tout en restant doux. En se dirigeant vers la porte la plus proche, Eileen décerna une voix. Ses paroles restaient un mystère. Etait-ce ? Oui ! Ce couloir… Cette salle était maudite, non ? Les fameuses rumeurs. Mais la voix semblait si douce presque hésitante. Pas dangereuse. Etait-ce un piège ?

La curiosité ne fit pas cas de ses doutes et, au cas où, Eileen sortit sa baguette et actionna la poignée doucement. Ce n’était probablement pas nécessaire, le mouvement n’était presque pas bloqué comme si la porte n’avait jamais été complètement fermée. Elle ouvrit alors la porte d’un grand coup et marcha dans la salle d’un pas assuré à la rencontre d’un ennemi potentiel, baguette pointée devant elle sans sort préparé, un air résolu peint sur le visage.

- Révèle-toi Esprit de… la lecture ?

Seule une jeune fille d’apparemment son âge, bien qu’elle ne l’ait jamais vue auparavant, était là, à peine visible dans un coin. Vraiment à peine visible. Si peu visible en fait qu’Eileen avait d’abord vu un livre se découper de derrière le bureau du professeur avant de voir la créature qui le tenait.

- Oh. T’es qu’une élève.

Elle était presque déçue.

- Une élève maudite ? Tenta-t-elle tout de même.

Eileen s’approcha tranquillement. Les grands yeux verts hésitants et presque effrayés rajeunissaient encore la petite rousse recroquevillée au sol et la brune sorcière se demanda qui elle était.

La salle était très froide, ce qui se faisait d’autant plus ressentir par le vide qu’elle abritait. Les chaises et les tables étaient là mais on sentait que personne n’était entré depuis un bout de temps. Eileen rangea sa baguette. Avec une élève, elle n’encourrait aucun risque. D’autant que celle-ci semblait plutôt du genre facilement effrayé. Ou était-ce simplement facilement surpris ?  

Alors qu’elle arrivait au niveau de la jeune élève, contre toute attente, celle-ci joua le jeu. Elle jeta un œil à son livre et, bien que bégayant, annonça d’un ton assez fort son but dans cette salle. Sa malédiction. Elle était étrangement rouge écarlate. Il n’y avait pas vraiment de raison à ça. Elle ne faisait rien de mal.

Eileen écarquilla d’abord les yeux, s’étant attendue à une réponse d’un commun affligeant, puis éclata d’un rire léger. Elle se reprit rapidement.

- Oooh d’accord ! M. Sullivan, c’est ça ? Très bien M. Sullivan. C’est quoi que vous lisez ?

Cette formulation manquait de légèreté. Sa correcte grammaticalité n’était pas vraiment certaine mais Eileen n’y pensait déjà plus. Elle s’installa par terre en face de la rouquine. Elle croisa les jambes en tailleur et grimaça en sentant la fraîcheur du sol traverser ses vêtements pour atteindre son postérieur. Les dalles étaient dures et inconfortables. On devrait inventer un sort pour ça ou s’il existait déjà, l’enseigner plus tôt aux élèves. Observant le pull de l’autre jeune fille, elle se dit qu’elle aurait dû prendre quelque chose de plus épais que celui de son uniforme. En même temps, comment aurait-elle pu deviner qu’elle finirait dans une salle vide et froide à demander à un esprit possédant une jeune élève de lui raconter une histoire à même le sol.

Elle huma l’air un instant. Une délicieuse odeur flottait autour d’elle. Une odeur chaude et réconfortante. Une odeur qui rappelait le doux feu de cheminée, les réunions familiales en milieu d’après-midi, les rires et les chants. Une odeur sucrée qui faisait saliver. Une odeur de petit déjeuner… bref, une bonne odeur. La meilleure des odeurs : celle du chocolat chaud. A cette réalisation, les yeux d’Eileen s’illuminèrent et ses lèvres s’étirèrent en un sourire amusé.

- M. Sullivan, ça fait partie de votre malédiction de boire du chocolat chaud pendant que vous lisez des romans, euh… fantasy ?

Son interlocutrice se mit à rire … Erf … Le niveau d'improvisation de la gamine était extrêmement bas …

-Oooh d’accord ! M. Sullivan, c’est ça ? Très bien M. Sullivan. C’est quoi que vous lisez ?

… Non ! … NON !! Elle l'avait cru ! Enfin .. Euh non … Elle ne l'a pas cru … Elle jouait le jeu … Oui, vraiment son niveau d'improvisation était mauvais … La jeune fille en face de la rouquine s'installa à même le sol … Nim ne put s'empêcher de frissonner en imaginant les dalles froides, brrrr. Pas cool. Mais lorsqu'elle allait répondre à la question de sa jeune interlocutrice, celle-ci dit alors :

-M. Sullivan, ça fait partie de votre malédiction de boire du chocolat chaud pendant que vous lisez des romans, euh… fantasy ?

Argh … Méchamment grillée, encore … Dieu … Que faire maintenant ?

-Et bien … Euh … Pour te répondre euh … Je lis «  Les relations de Riyria », un très bon roman tu sais ! Y'a un voleur et un mercenaire et ils ont des aventures trop géniales ! Faut que tu le lises si tu lis de la fantasy ! C'est vraiment Epique ! Y'a plein d'aventures et puis M.J. Sullivan, l'auteur, il écrit super bien ! Et tu sais, c'est sortit même en France, tu vois le genre !! Et … gloups

Nim venait de se rendre compte de sa bourde … M. Sullivan avait disparut … Argh … Adieu couverture, envolée, dis lui au revoir Nim, Au revoir couverture.

-Hum hum … Excuse moi donc jeune fille, je me suis laissé emporter par mon propre roman, quel drôle de personnage je fais n'est ce pas ? Le chocolat, vois tu, c'est pour nourrir mon corps d'emprunt, il ne faudrait pas quelle meure de froid, n'est ce pas ?

La gamine se dépenserait elle même là … Pourquoi avait elle fait ça ? Le goût du challenge ? Quel challenge ? Se rendre le plus ridicule possible ? Palme d'or Nim, Palme D'or …

Nim partit chercher son chocolat chaud et la tendit à la nouvelle venue avec un petit sourire gêné avant d'enfouir la moitié de son visage dans le col de son pull.

Il semblait que plus Eileen s’installait, plus l’autre fille semblait confuse. A la simple mention de fantasy cependant, la rouquine s’illumina et se laissa emporter dans un enthousiasme certain pour la matière. Eileen leva un sourcil à la mention de la France. Etait-ce important ? Elle ne connaissait rien de ce pays et il ne lui semblait pas très révélateur de savoir ce qui y avait été édité ou non. « M. Sullivan » se reprit ensuite et Eileen eut un petit rire. C’était en effet un drôle de personnage qu’elle avait en face d’elle. Elle hocha la tête.

- C’est sûr. Et puis, il faut profiter de pouvoir goûter les choses. Les esprits ça n’a pas de langue. Enfin, je crois pas. En tout cas, je suis pas sûre que ça puisse goûter des trucs.

Pendant qu’Eileen supposait ce que les esprits pouvait faire ou pas, la rousse tendait son thermos de chocolat chaud vers elle avant de cacher la moitié de son visage. Eileen laissa apparaître un sourire satisfait. Finalement, Peeves avait du bon.

- Merci !

Elle avala une grosse gorgée et s’empêcha tant bien que mal de montrer qu’elle s’était légèrement brûlé la langue. Elle reposa le thermos, se revêtant d’un air aussi digne que possible.

- Hrm, hrm. C’est bien bon. Et donc… ça parle de quoi votre livre ? Oh ça se passe en France ? C’est pour ça que vous en parliez ? Ils aiment la fantasy là-bas ? Enfin, la fantasy c’est un nom moldu, non ? Ce sont juste des livres normaux ici, d’aventure, non ? Ou alors… Vous êtes un moldu ?

Ses yeux étaient d’illuminés de la joie d’avoir compris le monde entier. Elle savait que c’était un jeu, mais elle était prise dedans. Un esprit moldu ! C’était intéressant ça !

- Oooh, vous êtes vieux ? Enfin… vous êtes mort mais vous êtes mort vieux ? Vous connaissez les télévisions ?

Rien à voir mais ce devait être l’objet moldu qui l’intéressait le plus.

- De chaînes ?

Elle avait entendu parler des films bien sûr mais que pouvaient bien être les chaînes ? Les télévisions devaient-elles être maintenues pour ne pas s’échapper ? Non, elles n’étaient pas mobiles, c’étaient les voitures qui l’étaient. Oh bon sang, qu’est-ce que ça sentait mauvais une voiture ! Elle en avait vu pour de vrai en allant à la gare à la rentrée et en avait seulement retenu l’odeur et le bruit que les descriptions ne lui avaient pas rendus tel qu’ils étaient. Mais ce n’était pas la question ! Les voitures n’étaient pas aussi fascinantes que la télévision ! Mais des chaînes… elle n’avait pas envie de refaire sa gaffe des séries.

- Enfin, oui bien sûr les chaînes ! Les chaînes sont très biens et très utiles. Surtout pour eum… regarder la télévision.

Oui, elle avait l’air d’une parfaite connaisseuse comme ça. L’important, toutefois, n’était pas là.

- Mais oui, fabuleuse invention ! Je ne sais même pas pourquoi on en a pas fait un équivalent sorcier. Je veux dire, on a bien la photo et la radio pourquoi pas plus ? On a même pas un truc qui le remplacerait complètement ! C’est bizarre. Avec tous les sorts qu’on a on devrait bien trouver quelque chose. Mais du coup, vous feriez peut-être mieux de faire des chaînes et des films en fait.

Heureusement qu’elle était là pour donner une ligne de conduite à cet esprit inexistant. Elle jeta un œil à la thermos en frottant sa langue douloureuse à son palais. Mouais, non, elle ne retenterait pas. Elle eut alors comme un sursaut.

- Oh ! Vous êtes mort comment ?

Ça, ça ne pouvait être qu’intéressant.

HRP:

Eileen cligna des yeux plusieurs fois. Etouffé dans son… Son imagination décida de s’amuser. Un oreiller malveillant trop déçu de ne jamais apparaitre parmi les romans qui aurait enfin assouvi sa cruelle vengeance. Ah non, elle avait dit « dans » son oreiller, pas « par » son oreiller. C’était trop tard. L’image ne quittait pas son esprit. Et l’oreiller avait désormais de gros sourcils bien froncés.

- Pffff…

Impossible de se retenir, elle partit en un grand éclat de rire. Le visage fier de l’autre fille ne l’aidait en rien. Eileen gloussa un peu plus en visualisant comment l’oreiller pouvait se déplacer vers sa victime. Ça avait dû être difficile de se glisser de sous la tête de son propriétaire. Ou alors avait-il agit en journée ? Sacrée entreprise. Elle se reprit enfin.

- Ah mais non en fait !

Elle pointa son doigt devant le nez de la rouquine.

- Tu es encore sortie du personnage ! Il ne faut jamais sortir du personnage ! En même temps ça aurait été plus simple si j’avais aussi joué un personnage… J’aurais dû avoir l’air plus effrayée. Ou non ! Au contraire ! J’aurais été là pour te combattre, te renvoyer d’où tu venais ! J’aurais utilisé mon intelligence hors du commun pour te piéger dans ton livre. En plus j’aurais pu garder le chocolat chaud comme ça. Sauf si c’était… un chocolat chaud maudit !

Elle eut un petit sourire.

- Je l’aurais quand même gardé. Je sais exactement qui pourrait bien boire un chocolat chaud maudit…

Oh oui. Elle secoua la tête.

- Bref ! Je m’appelle Eileen, et toi ?

Son regard tomba sur le livre. Quelque chose fit tilt.

- Oh attends… il existe vraiment M. Sullivan ? Il est vraiment…

Peut-être n’aurait-elle pas du rire finalement. Si ça se trouvait, le bonhomme était réellement un esprit quelque part. On ne pouvait jamais vraiment savoir.

- Non, parce que… Je ne rigolais pas pour me moquer, hein ? C’est juste, euh… Je pensais à autre chose.

Disons que ça sauverait son âme.

Eileen sursauta au rire de la jeune rouquine et se renfrogna un peu. Elle ne trouvait pas que ça question manquait de pertinence. Pourquoi ce rire ? Elle attrapa le thermos et le posa devant elle tout en jaugeant l’autre demoiselle du regard, les yeux légèrement plissés. Elle se dérida légèrement lorsqu’elle apprit que monsieur Sullivan appartenait encore au monde des vivants.

- Oh. Tant mieux.

Mais Nim, car tel était son véritable nom, ne se départait pas de son amusement. Eileen releva son fier menton à sa première question.

- Pffff, bien sûr que non ! Je ne crois pas n’importe quoi ! Et puis… t’as vraiment pas la tête d’un esprit. C’est juste que… euh ben que faut faire attention quoi ! C’est tout ! Il ne faut jamais se moquer des esprits !... Enfin, je ne crois pas. Ah mais si ! C’était pour toi ! Parce que si ton monsieur Sullivan il était vraiment devenu un esprit et qu’il avait appris que tu faisais semblant d’être lui, il serait venu après toi ! Donc voilà, je pensais à toi.

Elle fit une pause en prenant soin d’avoir l’air aussi convaincue de ses paroles qu’elle savait qu’elles étaient fausses. Pour la dernière partie en tout cas. Dire qu’il ne lui avait fallu que de la fin du jeu pour qu’elle se mette à douter, ou plutôt à redouter. Elle en profita pour lever un sourcil assuré, comme pour demander à Nim d’oser douter de sa sincérité. Elle se repositionna sur le sol gelé et retint avec peu de succès un frisson qui aurait fait paraitre une faiblesse.

- Il ne fait pas vraiment froid. Bref. Je suis Serpentard.

Elle jeta à l’autre fille un regard la défiant de faire un commentaire sur le sujet. Elle n’estimait toujours pas qu’une maison valait plus qu’une autre, mais l’étonnement que suscitait son appartenance chez les serpents finissait par être vexant. Plus que l’étonnement qu’elle ne remarquait pas forcément, restaient en elle les échos de la voix des plus désagréables d’une certaine camarade de chambre. Elle haussa les épaules en se remettant dans la conversation.

- Je lis des contes et des histoires de sorciers, beaucoup. Mais je ne lis plus vraiment. Enfin, je n’ai pas eu de nouveau livre depuis un moment, c'est pour ça.

Ce n’était pas tout à fait exact. Elle passait, de manière générale, plus de temps à relire maintes fois ce qu’elle connaissait déjà qu’à simplement découvrir quelque chose. L’idéal pour qu’elle découvre était qu’on lui raconte et ça n’arrivait pas tellement à l’école. Elle savait qu’elle était techniquement trop âgée pour ça, mais ce qu’elle aimait vraiment c’était entendre un de ses parents leur lire quelque chose à tous les cinq. Ce qu’elle aimait encore plus, c’était finir l’histoire par elle-même dans son coin en avance et profiter le soir de déjà tout savoir.

- Du coup, dans ton livre… Il n’y a pas de sorciers ?

Eileen prit un temps pour s’étonner du débit de NIm. C’était fou les gens bavards dans cette école. Elle se détendit tout de même. Nim semblait tellement dans son affaire que remarquer quoique ce soit de négatif sur la Serpentarde devait lui passer au-dessus de la tête. Elle avait l’air à l’aise.

Alors qu’elle lui tendait son livre, Eileen leva la main pour marquer une pause et reprendre le cours de ce qui s’était dit.

- Attends, attends. D’abord : Bleeeergh ! Les serpents sentent avec leur langue ? Ils… lèchent tout ? C’est dégoutant ! T’imagines s’ils arrivent dans des toilettes ? Berk ! Déjà que c’est pas beau à voir alors à goûter… Berk, berk, berk, berk, berk !

Elle s’arrêta quelques secondes pour reprendre ses esprits après cette cruelle réalisation. Lorsqu’elle sentit que ça allait mieux, elle se gratta la tête en réfléchissant.

- Mais on est pas des serpents nous, tu sais. Enfin, on dit parfois « on est chez les serpents » mais y’a pas de serpent chez nous. Y’a surtout des chats. Et une chauve-souris. Mais ça, ça n’a rien à voir. Bref, on voit notre environnement comme tout le monde. Avec nos yeux quoi.

Elle pinça les lèvres en songeant à un certain personnage qu’elle connaissait.

- Enfin, sauf les aveugles. Eux ils voient… ben ils voient pas quoi. Mais je leur conseillerais pas d’utiliser leur langue. Berk.

Il lui fallut encore une fois quelques secondes pour chasser l’image de Damien léchant allègrement les pierres du château pour savoir où il était. Elle secoua la tête et retrouva ce qui l’avait interpellée.

- Ah ! Ensuite je voulais dire : il a pas de baguette ? C’est… juste de la magie sans baguette alors ? Ou comme les elfes de maison ? Pourquoi il a pas de baguette ? C’est un ami des héros ? Parce que eux, ils n’ont pas de magie c’est ça ? Ils ont des aventures ensemble ? Ils font quoi ?

Perdue dans ses suppositions et questions, elle en oubliait l’objet qui lui était tendu. Elle voulait juste savoir. Tout de suite.

Eileen haussa les épaules à l’étonnement de Nim. Elle n’avait fait que réagir à ce qu’elle avait dit. Serpent, langue… c’était logique. Et puis, c’était Nim qui avait commencé avec son assimilation. Elle n’avait fait que suivre.

Elle eux un sourire à la mention des blaireaux. Ce n’était pas la première fois qu’elle se félicitait d’être chez les Serpentard ne serait-ce que pour leur symbole. Le blaireau c’était vraiment… Apparemment ils pouvaient être redoutables mais bon… un blaireau quoi. Ça manquait de prestance. Son père taquinait régulièrement sa mère à ce sujet. Elle souriait alors en secouant la tête d’un air vaguement réprobateur.

Apparemment Nim trouvait que beaucoup de choses étaient compliquées à expliquer. Eileen ne faisait que moyennement attention ayant décidé que les serpents qui goutaient le sol étaient dégoutants. Que ce soit un organe spécial ou non. C’était dégoutant.

Elle ne perdit pas de concentration cependant lorsque Nim entreprit de lui expliquer le livre. A la mention du mot « magicien », elle ne put s’empêcher d’imaginer la description qu’elle avait eu des magiciens moldus avec leurs cartes et leur chapeau haut de forme. Elle doutait celui du livre ait cette apparence mais pour l’instant, c’était ainsi qu’elle se le représenterait. Elle eut un léger sursaut aux derniers mots de Nim et fronça les sourcils.

- Robin des quoi ? Il est dans le livre lui ?

D’un coup, elle perdit de son enthousiasme. Hors de question de lire un livre avec un héros qui s’appelait Robin. Les Robins étaient forcément des idiots. Ce devait être une règle de l’univers.

- Et pourquoi il est méchant avec les nobles d’abord ? Tous les nobles sont méchants ? Pfff et son nom il est nul… Robin…

Nim avait repris le livre et avait fourré son nez dans ses pages. Eileen leva un sourcil étonné en se revoyant poser son propre nez sur les livres lorsqu’au milieu d’une lecture elle laissait son esprit divaguer. Les divagations faisaient alors comme partie de l’ouvrage puisque l’odeur y était liée. Elle n’y avait pas fait attention lorsqu’elle avait commencé à le faire mais elle s’était vite rendue compte que les odeurs de chaque lui faisait un peu revivre les moments où elle les avait ouverts. Nim faisait-elle la même chose ? Ou peut-être qu’elle se cachait simplement… Dans le doute, elle ne dit rien et secoua la tête pour faire disparaitre son air étonné.

- Bref. Robin c’est nul.

Robin, un gentil. Non c’était incompatible. Mais oui, mais oui, elle savait qu’elle ne pouvait pas faire de généralité avec une personne. Surtout liée à un personnage de fiction mais… c’était plus fort qu’elle. Le nom Robin ne lui inspirait que dégout et agacement.

- Un dessin animé ?

Alors les moldus n’avaient pas que les séries ? Après tout ce n’était pas si étonnant. Les sorciers aussi animaient des dessins. Des peintures même. Mais ça ne pouvait pas être le même procédé. Ou alors un sorcier s’était caché chez les moldus pour épater leurs yeux en animant des dessins. Eileen se gratta la tête en se demandant brièvement pourquoi faire d’un voleur un renard ami avec un ours. Les renards se liaient-ils d’amitié avec les ours ? Elle ne connaissait rien au monde animal. Mais vu la taille d’un ours par rapport au renard, il lui semblait plus probable que l’un finisse dans l’estomac de l’autre.

Elle ne parvenait pas entièrement à suivre Nim dans sa revisualisation du dessin animé moldu. Mais alors qu’elle commençait à se sentir exclue, la rouquine lui fit une proposition pour le moins intéressante. Eileen se mit à réfléchir intensément. Lire avec quelqu’un. Ca donnait envie. Nim avait beau être un peu bizarre, au moins savait-elle s’amuser. Même si elle manquait de professionnalisme à ce niveau-là. Et c’était toujours plus intéressant que de passer son temps à la bibliothèque pour travailler sur des devoirs inintéressants au possible. Les rouquines Poufsouffles étaient, d’expérience, de plutôt bonne compagnie… Et avoir quelqu’un lui raconter des histoires lui manquait vraiment.

- Ah oui mais je vait trop loin là, il faut d'abord qu'on apprenne à mieux se connaître non ? Mais je pense qu'un film, enfin un dessin animé, j'adore les dessins animés, c'est mieux pour bien faire connaissance!

Apprendre à se connaitre ? Elles apprendraient bien en lisant, non ? Mais le dessin animé… c’était extrêmement tentant ! Elle voulait vraiment regarder la télévision ! Son début de sourire enthousiaste disparu alors même que l’image du rectangle fascinant se dessinait dans son esprit.

- Attends… pour le dessin animé, il va falloir une télévision non ? Il n’y en a pas à Poudlard et je crois pas qu’on puisse en faire marcher ici. Certains nés-moldus, ils amènent des boites bizarres ici de chez eux mais elles ne marchent jamais.

Elle eut une moue déçue.

- Pffff, c’est trop bête.

Les sourcils d’Eileen fusèrent dans les airs. Pas littéralement. Mieux vaut préciser. Avec la magie, on n’est jamais sûr.

Ce devait être la première fois qu’elle se faisait inviter ainsi. Aussi vite et naturellement. Et dans une prévision aussi lointaine. Elles avaient du temps avant les vacances. Noël venait de passer, ne restait que l’été.

Elle porta un doigt à ses lèvres pour réfléchir. L’appel de la télévision était extrêmement tentant. Elle pourrait peut-être aussi voir les séries dont Aiden lui avait parlées. Un stage moldu… Ses frères et sœurs seraient tellement jaloux ! Elle leur raconterait tout ce qu’elle avait vu et ils seraient éblouis !

Le dernier mot de la rouquine fit écho dans son esprit. Amie ? Ca semblait un peu précipité. N’y avait-il pas des étapes pour invoquer une amitié ? Elle croisa les bras en fronçant les sourcils et considéra la jeune fille du regard. Son sourire était chaleureux. Et elle aimait les histoires. Et elle avait une télévision.

- Amies…

C’était un terme à utiliser avec attention. Une sorte d’engagement. Il fallait que ça valle le coût. Posant les mains au sol, Eileen remua pour réinstaller son derrière qui se figeait un peu puis planta son regard dans celui de son interlocutrice.

- Bon. Okay. A partir d’aujourd’hui,  on est amies.

Il fallait que ça soit solennel. C’était un grand moment. Eileen tendit la main devant elle pour que Nim la serre. Elle se tenait bien droite.

- Je t’inviterai chez moi aussi et on regardera la télévision chez toi.

Cet instant était empreint de grandes et nobles émotions.

HRP:

- Whoa !

En un instant Eileen s’était retrouvé avec une rouquine autour du cou. Du moins pour les bras. Sa main était encore tendue devant elle, attendant d’être serrée et elle resta figée quelques secondes. Elle connaissait les embrassades parentales, parfois fraternelles mais amicales ? C’était une première. Elle se reprit et tapota un peu maladroitement le dos de Nim.

La Poufsouffle se détacha d’elle finalement. Elle avait un sourire légèrement gêné mais semblait clairement heureuse. Eileen en rougit doucement avant d’écarquiller un peu les yeux. L’Irlande c’était loin. Elle n’y avait jamais été. Elle ne laissa pas le temps à ses pensées de s’y diriger et laissa un grand sourire excité atteindre ses lèvres.

- Oui des séries aussi !
Elle murmura pour elle-même,
- Il faudra que je demande à Aiden…

Elle réfléchit un peu à la prochaine fois qu’elle pourrait le croiser suffisamment longtemps pour aborder le sujet avec lui puis Nim interrompit le cours de ses pensées. Sentant un grand froid s’abattre sur elle, Eileen examina sa montre avec inquiétude.

- Non ! Le couvre-feu ! Je NE PEUX PAS avoir encore une retenue ! C’est exclu !

Elle se leva d’un bond.

- Vite !

Elle ne prit pas le temps de faire attention si Nim avait ou non récupéré ses affaires avant de l’attraper par la main. Elle attendit un instant à la porte lorsqu’elle l’ouvrit pour vérifier qu’elle n’entendait pas les pas du redoutable concierge ou d’un préfet de passage avant de se mettre à courir le plus silencieusement possible, la main de Nim toujours dans la sienne. Elle remonta un couloir, tourna dans un autre, évita un mur de justesse, descendit des escaliers et encore des escaliers et toujours des escaliers, soufflant, sifflant, tentant de faire disparaître le bruit de ses pas. Un peu paranoïaque, elle avait l’impression d’entendre des miaulements à chaque tournant qu’elles empruntaient. Les deux filles finirent par arriver dans le hall. Eileen lâcha enfin la main de sa nouvelle amie.

- Ok euh… à plus !

Elle lui fit un sourire rapide avant de s’engouffrer dans les escaliers qui la mèneraient à sa salle commune. Enfin en sécurité. Elle ne se ferait pas prendre. Pas aujourd’hui.

Et prise elle ne le fut pas. Ce fut certainement la seule chose qui parvint à lui faire surmonter son essoufflement douloureux.

HRP: